LA FOIRE.

I.

La Geante.


               Ah! je suis fou d'amour pour la grasse geante,

                 Du rire sardonique et des regards hautains,

                 Demangeaisons de l'ame et cancere des reins!

               Les nichons sanglantes, la crevasse beante

               M'attirent, me collent a la noire et la puante

                 Peau qui sent d'Afrique tout le velours malsain,

                 De cruante, de mort, d'eunuque, de putain,

               La nuit tragique, affreuse --- et oh! mais enivrante!



               Sale et sale, ton corps!  Ton ame crapuleuse

               Vaut bien l'amphisboene des mares veneneuses: ---

                 Que je m'y noye, sucer de tes impurs crachats

               L'immondice d'enfer, d'ou demon, tu sortis

               Y perdre les enfants d'un Dieu aneanti

                 Par sortilege noir de tes poilus sabbats!







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II.

La Naine.

Monstre effrayant, plus vil que tout autre animal,

                 Corps comique --- ecrase d'un ventre de catin! ---

                 Chef d'oeuvre de blaspheme, enfante du Malin,

               Insecte infecte, honteux et quand meme banal,

               J'ajoute ton portrait au cortege infernal

                 De mes amours pourris.  Ton glabre et libertin

                 Caresse vaut l'ivresse --- oh! verse-moi le vin!

               Un tel careme fait oublier le carnaval.



               C'est l'amour? le degout? le luxure? la haine?

               Je n'en sais rien: le Dieu qui t'a difforme, naine,

                 Me jette dans ton lit, me soumet, corps et ame,

               A tes pieds, a l'amour brutal et hysterique.

               Ce baiser a la fois ridicule et lubrique

                 Evoque de Satan l'image --- et le dictame!



BARBEY DE ROCHECHOUART.





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