Ballades en jargon

François Villon

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  • I
  • II
  • III
  • IV
  • V
  • VI
  • VII
  • VIII
  • IX
  • X
  • XI



  • I


    A Parouart le grant mathegaudie
    Ou accolez sont duppez et noirciz
    Et par les anges suivans la paillardie
    Sont greffiz et prins cinq ou six
    La sont bleffleurs au plus hault bout assis
    Pour le eviage et bien hault mis au vent
    Escheques moy tost ces coffres massis
    Car vendengeurs des ances circoncis
    S'en brouent du tout a neant
      Eschec eschec pour le fardis.

    Broues moy sur ces gours passans
    Advises moy bien tost le blanc
    Et pictonnes au large sus les champs
    Qu'au mariage ne soiez sur le banc
    Plus qu'un sac n'est de plastre blanc
    Si gruppes estes des carieux
    Rebignes moy tost ces enterveux
    Et leur monstres destrois le bris
    Qu'enclaves ne soies deux et deux
      Eschec eschec pour le fardis.

    Plantes aux hurmes vos picons
    De paour des bisans si tres durs
    Et aussi d'estre sur les joncs
    Enmahes en coffres en gros murs
    Escharices ne soies point durs
    Que le grand Can ne vous face essorez
    Songears ne soies pour dorez
    Et babignes tousjours aux ys
    Des sires pour les desbouses
      Eschec, eschec pour le fardis.

    Prince froart des arques petis
    L'un des sires si ne soit endormis
    Luez au bec que ne soies greffiz
    Et que vos emps n'en aient du pis
      Eschec, eschec pour le fardis.

    II



    Coquillars en aruans a ruel
    Men ys vous chante que gardes
    Que n'y laissez et corps et pel
    Qu'on fist de Collin l'escailler
    Devant la roe babiller
    Il babigna pour son salut
    Pas ne scavoit oingnons peller
    Dont l'amboureux luy rompt le suc.

    Changes voz andosses souvent
    Et tires tout droit au temple
    Et eschiques tost en brouant
    Qu'en la jarte ne soiez emple
    Montigny y fut par exemple
    Bien ataches au halle grup
    Et y jargonnast il le tremple
    Dont l'ambourex luy rompt le suc.

    Gailleurs bien faitz en piperie
    Pour ruer les ninars au loing
    A l'asault tost sans suerie
    Que les mignons ne soient au gaing
    Farciz d'un plumbis a coing
    Qui griffe au gard le duc
    Et de la dure si tres loing
    Dont l'ambourex luy rompt le suc.

    Prince, arriere du ruel
    Et n'eussies vous denier ne pluc
    Qu'au giffle ne laissez l'appel
    Pour l'ambourex qui rompt le suc.

    III



    Spelicans
    Qui en tous temps
    Avances dedans le pogoiz
    Gourde piarde
    Et sur la tarde
    Desbousez les pouvres nyais
    Et pour soustenir voz pois
    Les duppes sont prives de caire
    Sans faire haire
    Ne hault braire
    Metz plantez ilz sont comme joncz
    Par les sires qui sont si longs.

    Souvent aux arques
    A leur marques
    Se laissent tous desbouses
    Pour ruer
    Et enterver
    Pour leur contre que lors faisons
    La fee les arques vous respons
    Et rue deux coups ou trois
    Aux gallois
    Deux ou trois
    Nineront trestout au frontz
    Pour les sires qui sont si longs.

    Et pour ce bevardz
    Coquillars
    Rebecquez vous de la montjoye
    Qui desvoye
    Vostre proye
    Et vous fera du tout brouer
    Par joncher
    Et enterver
    Qui est aux pigons bien chair
    Pour rifler
    Et placquer
    Les angelz de mal tous rons
    Pour les sires qui sont si longs.

    De paour des hurmes
    Et des grumes
    Rasurez voz en droguerie
    Et faierie
    Et ne soiez plus sur les joncs
    Pour les sires qui sont si longs.

    IV



    Saupicquez frouans des gours arquez
    Pour desbouses beaus sires Dieux
    Alles ailleurs planter voz marques
    Bevards vous estes rouges gueux
    Berart s'en va chez les joncheurs
    Et babigne qu'il a plongis
    Mes freres ne soiez embraieux
    Et gardez les coffres massis.

    Si gruppes estes des grappez
    De ces angelz si graveliffes
    Incontinant mantheaulx et chappes
    Pour l'emboue ferez eclipses
    De vos farges feres besifles
    Tout debout nompas assis
    Pour ce gardes d'estre griffez
    En ces gros coffres massis.

    Niaiz qui seront attrappez
    Bien tost s'en brouent au halle
    Plus n'y vault que tost ne happes
    La baudrouse de quatre talle
    Destires fait la hirenalle
    Quant le gosier est assegis
    Et si hurcque la pirenalle
    Au saillir des coffres massis.

    Prince des gayeuls les sarpes
    Que vos contres ne soient greffiz
    Pour doubte de frouer aux arques
    Gardes vous des coffres massis.

    V



    Joncheurs jonchans en joncherie
    Rebignez bien ou joncherez
    Qu'Ostac n'embroue vostre arerie
    Ou accoles sont voz ainsnez
    Poussez de la quille et brouez
    Car tost seriez rouppieux
    Eschec qu'accolez ne soies
      Par la poe du marieux.

    Bendez vous contre la faerie
    Quant vous auront desbouses
    N'estant a juc la rifflerie
    Des angelz et leurs assoses
    Berard si vous puist renversez
    Si greffir laisses vos carrieux
    La dure bien tost ne verres
      Par la poe du marieux.

    Entervez a la floterie
    Chanter leur trois sans point songer
    Qu'en astes ne soies en surie
    Blanchir vos cuirs et essurgez
    Bignes la mathe sans targer
    Que voz ans n'en soient ruppieux
    Plantes ailleurs contre assegier
      Par la poe du marieux.

    Prince bevardz en esterie
    Querez couplaus pour ramboureux
    Et autour de vos ys luezie
      Par la poe du marieux.

    VI



    Contres de la gaudisserie
    Entervez tousjours blanc pour bis
    Et frappes en la hurterie
    Sur les beaulx sires bas assis
    Ruez des fueilles cinq ou six
    Et vous gardes bien de la roe
    Qui aux sires plante du gris
    Et leur faisant faire la moe.

    La giffle gardes de rurie
    Que voz corps n'en aient du pis
    Et que point a la turterie
    En la hurme ne soies assis
    Prens du blanc laisse du bis
    Ruez par les fondes la poe
    Car le bizac avoir advis
    Fait aux beroars faire la moe.

    Plantez de la movargie
    Puis ca puis la pour l'urtis
    Et n'espargne point la flogie
    Des doulx dieux sue les patis
    Voz ens soient assez hardis
    Pour leur advancer la droe
    Mais soient memoradis
    Qu'on ne vous face faire la moe.

    Prince qui n'a bauderie
    Pour eschever de la soe
    Danger de grup en arderie
    Fait aux sires faire la moe.

    VII



    En Parouart, la grant matte gaudye
    Ou accolez sont caulx et agarciz
    Nopce ce sont, c'est belle melodie:
    La sont beffleurs au plus hault bout assis,
    Et vendengeurs, des ances circoncis
    Comme servis, sur ce jonc gracieux,
    D'ance plaisant et mes delicieux.
    Car Coquillart n'y remaint grant espace
    Que, vueille ou non, ne soit fait des sieurs;
    Mais le pis est mariage - M'en passe !

    Reboursez tous, quoy que l'en vous en dye,
    Car on aura beaucoup de vous mercys.
    Ronde n'y vault ne plus qu'en Lombardie.
    Eschec, eschec pour ces coffres massis !
    De gros barreaulx de fer sont les chassis.
    Poste a Gautier e serez un peu mieulx.
    Plantez picons sur ces beaulx sires dieulx;
    Luez au bec que roastre ne passe,
    Et m'abatez de ces grains neufz et vieulx.
    Mais le pis est mariage - M'en passe !

    Que faites-vous ? Toute menestrandie
    Antonnez poiz et marques six a six
    Et les plantez au bien en paillardie:
    Sur la sorne que sires rassis,
    Sornilles moy ces georgetz si farciz,
    Puis eschequez sur gours passants tous neufz.
    De seyme oyez, soiez beaucoup breneulx.
    Plantez vos hiscz jusques elle reppasse,
    Car qui est grup il est tout roupieulx,
    Mais le pis est mariage - M'en passe !

    Prince planteur, dire verte vous veult:
    Mais Coquillart, pour les dessuditz veult
    Avant ses jours piteusement trespasse,
    Et a la fin en tire ses cheveulx.
    Mais le pis est mariage - M'en passe !

    VIII



    Vous qui tenez vos terres et vos fiefz
    Du gentil roy, Davyot appele,
    Brouez au large et vous esquarrissez
    Et gourdement aiguisez le pelle
    [Loing de la roue ou Bernard est alle]
    pour les esclos qui en peuvent issir,
    Voyez ce jonc ou l'en fait maint souppir:
    Mines taillez et chaussez vos besicles,
    Car en aguect sont, pour vous engloutir,
    Anges bossus, rouastres et scaricles.

    Coqueurs de pain et pommeurs affectez,
    Gaigneurs aussi, vendengeurs de coste,
    Belistriens perpetuels des piez.
    Qui sur la voue avez lardons clamez
    En jobelin ou vous avez este
    Par le terrant pour le franc ront querir
    Et [qui] aussi pour la marque fournir
    Avez tendu au pain et aux menicles,
    Pour tant se font adoubter et cremir
    Anges bossus, rouastres et scaricles.

    Rouges goujons, fargets embabillez,
    Gueux gourgourans par qui gueux sont gourez,
    Quant a brouart sur la sorne abrouez,
    Levez les sons et si tastez lesquelz,
    Qu'il n'y ait anges desclaus empavez
    En la vergne ou vostre han veut loirrir,
    Car des sieurs pourriez bien devenir
    Se vous estiez happez en telz bouticles:
    Pour tant se font ataster et cremir
    Anges bossus, rouastres et scaricles.

    Prince, planteurs et bailleurs de saffirs
    Qui sur les dois font la perle blandir,
    Belistriens, porteurs de vironicles,
    Sur toutes riens doivent tel gens cremir
    Anges bossus, rouastres et scaricles.

    IX



    Un gier coys de la vergne Cygault,
    Lue l'autryer en brouant a la Loirre,
    Ou gierement on macquilloit riffault;
    Et tot a cop veis jouer de l'escoirre
    Ung maquonceau a tout deux gruppelins,
    Brouant au bay, a tout deux walequins,
    Pour avancer au solliceur de pye.
    Gaultier lua la gauldrouse gaudye,
    Et le marquin, qui se polye ey coinsse,
    Babille en gier en pyant a la sye,
    Pour les duppes faire brouer au mynsse.

    Apres moller lue ung gueux qui voult
    Pour mieux hyer desriver la touloire,
    C'est pour livrer aux arques ung assault
    De missemont maquilles a l'esquerre.
    Puis dist ung gueulx :«J'ai paulme deux florins. »
    L'autre pollist marquins et dollequins
    Et la marque souvent le gain choisit.
    Adraguangier puis dist, le mieulx fourny,
    «Picquons au veau, saint Jacques, je m'espince.
    Eschequer fault quant la pye est juchie
    Pour les duppes faire brouer au mynsse. »

    Puis dist ung gueulx qui pourluoit en hault:
    «J'ai paulme tout le gain de ma choirre,
    Et m'a joue la marque du giffault
    J'en suis mieult prins que vollant a la foire
    Elle est brouee envers ses arlouys;
    C'est tout son fait que d'engandrer les gains
    A hornangier, ains qu'elle soit lubie.
    De la hanter ma fueille est desgaudie;
    Quant de gain n'ay plus vaillant une saince
    Mais tous jours est gourdement entrongnie
    Pour les duppes faire brouer au mynsse. »

    Prince gallant, quant vous sauldrez la hye,
    Luez la grime s'elle est desmaquillie
    Et retrallez se le bizouart saince
    Qu'elle ne soit de l'assault de turquie,
    Pour les duppes faire brouer au mynsse.

    X



    Brouez, benards, eschequez a la saulve,
    Car escornez vous estez a la roue.
    Fourbe, joncheur,chacun de vous se saulve,
    Eschec, eschec,coquille si s'embroue !
    Cornette court, nul planteur ne s'il joue !
    Qui est en plant, en ce coffre joyeulx,
    Pour ces raisons il a, ains qu'il s'escroue,
    Jonc verdoiant, haure du marieux.

    Maint coquillart, escorne de sa sauve
    Et desbouse de son ence ou poue,
    Beau de bourdes, de blandy de langue fauve,
    Quide au rond faire aux grimes la moue,
    Pourquarre bien affin qu'on ne le noe.
    Couplez vous trois a ces beaulx sires dieux,
    Ou vous aurez le ruffle en la joue
    Jonc verdoiant, haure du marieux.

    Qui stat plain en gaudie ne se mauve.
    Luez au bec que l'en ne vous enclous !
    C'est mon advis tout conseil sauve
    car quoy aucun de l'assault ne se loue:
    La fin est telle que de l'oue,
    Car qui est au grup il a mais c'est au mieulx
    par la vergne tout au long de la voue
    Jonc verdoiant, haure du marieux.

    Vive David ! saint archquin la baboue !
    Jehan mon amy, qui les feuilles desnoue !
    Le vendangeur, beffeur comme une choue,
    Loing de son plain, de ses flos curieulx.
    Noe beaucoup,dont il recoit fressoue,
    Jonc verdoiant, haure du marieux.

    XI



    De devers quay par un temps d'ivernois
    Veiz abrouer a la vergne cygault
    Marquez de plant, dames et andinas
    Et puis merchants, tous telz qu'au mestier fault
    ........................................
    Gueulx affinez, allegrins et floars,
    Mareus, arves, pimpres, dorelotz et fars,
    Qui par usaige a la vergne jolye
    Abrouerent au flot de toutes pars
    Pour maintenir la joyeuse folye.

    Pour mieux abbatre et oster le broullart
    Adraguerent de Grenoble maint crupault
    De rumatin et puis molt sives gras;
    Crouge marir sans avancer ravault,
    ........................................
    Babillangier sur tous fais et sur ars
    Tant qu'il n'y eust de l'arton sur les cas,
    Brocquans, dorelots, grain, guain, aubeflorye,
    Que tout ne fust desploye [et] en pars,
    Pour maintenir la joyeuse folye.

    Pour mieulx polir et desbouser
    On polua des luans bas et hault
    Tant qu'il n'y eust de vivres en caras;
    Puis feist on faire a saint arquin un saut.
    Apres, doubtant de anges l'assault,
    On verroulla et serra les busars
    Pour mieux blanchir et desbouser coquars.
    La ot un gueulx son endosse polye,
    Qui puis alla emprunter aux lombars
    Pour maintenir la joyeuse folye.